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Publié le 22 novembre 2024
Les rares personnes admises à pénétrer dans cet entrepôt en région parisienne sont soumises à des conditions de sécurité drastiques pour cause de possible contamination au plomb.
En combinaison intégrale, elles peuvent contempler ce qu'aucun visiteur ne verra dans la cathédrale restaurée qui rouvrira ses portes au public le 8 décembre: les traces dantesques de l'incendie qui a ravagé l'édifice le 15 avril 2019.
Sur des dizaines de rayonnages, sont entreposés 10.000 morceaux de bois calcinés, des milliers d'agrafes et de clous en métal, des blocs de pierre noircis... les vestiges de la charpente du 13e siècle, des voûtes, de la flèche de Viollet-le-Duc.
Entre les fragments de tôle tordus par le brasier, émergent, presque intacts, une cloche, une engrenage de l'horloge, des morceaux de frise ou une tête d'ange qui a miraculeusement gardé des restes de polychromie rouge et bleu.
Dans une tente, des morceaux de poutres - certains entièrement noirs, d'autre aux cernes encore bien visibles - attendent d'être étudiés par des chercheurs, accueillis depuis 2022 sur le site.
Immédiatement après l'incendie, les archéologues de la Direction régionale des affaires culturelles (Drac) d'Ile-de-France ont décidé de considérer tous les débris et gravats de l'incendie comme des "vestiges archéologiques".
A ce titre, ils ont été classés au titre des monuments historiques et ont le statut de "biens archéologiques mobiliers", ce qui les rend inaliénables.
"Prélever des éléments pour les sauver après un sinistre, ça avait déjà été fait, comme après l'incendie du Parlement de Bretagne à Rennes ou du château de Lunéville (Meurthe-et-Moselle). Ce qui a été nouveau à Notre-Dame, c'est l'ampleur et le caractère systématique", explique Stéphane Deschamps, chef du service régional d'archéologie de la Drac.
"C'est une source extraordinaire de documentation sur cet édifice que tout le monde connaissait mais qui, en réalité, n'avait jamais été bien étudié. Cet incendie, qui est un drame absolu a aussi un potentiel extraordinaire de connaissances, de sciences, de recherches", souligne le directeur de la Drac, Laurent Roturier, à l'occasion d'une visite organisée pour quelques médias.
Récupérer ces vestiges a constitué un premier défi qui a demandé vingt mois de travail, dans un "condensé de contraintes", entre problèmes de sécurisation des lieux, présence de plomb et respect du calendrier de la reconstruction, raconte M. Deschamps.
Les archéologues, qui ne pouvaient pas directement accéder aux fragments en raison des risques d'effondrement, ont dû effectuer des "fouilles par procuration".
Après des relevés photogrammétriques pour pouvoir précisément situer chaque élément, ceux-ci ont été récupérés un par un par des engins télécommandés ou des cordistes pour ceux situés sur les voûtes, puis emballés et numérotés, d'abord sous des tentes sur le parvis.
Ce travail de fourmi a nourri la reconstruction de Notre-Dame. Architectes et charpentiers sont venus les examiner pour mieux comprendre comment avait été construite la voûte ou assemblé le tabouret de la flèche, afin de les reproduire à l'identique.
L'étude des fragments de bois calcinés a aussi permis de déterminer qu'il s'agissait de bois vert et qu'il n'était donc pas utile de faire sécher celui utilisé pour la nouvelle charpente.
Si une partie de ces éléments a vocation à être exposée dans des musées, d'autres seront conservés pour la recherche.
Des scientifiques datent déjà avec plus de précision les différents bois de la charpente du 13e siècle, étudient leur assemblage et vont pouvoir déterminer dans quels massifs ils ont été prélevés, et même analyser à travers eux l'évolution du climat.
"Dans 20 ou 30 ans, les chercheurs s'intéresseront peut être davantage aux éléments de restauration du 19e siècle, auront des moyens techniques que nous n'avons pas aujourd'hui. Notre devoir est de conserver l'ensemble de ces vestiges pour qu'ils y aient accès", avance M. Deschamps.