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Publié le 06 octobre 2024
- Qu'est-ce qui vous interpelle dans ce tableau ? demande la jeune femme, en zoomant sur le chef d'oeuvre de Léonard de Vinci.
- Ses yeux ? tente timidement un premier détenu.
- La ligne sur ses cheveux... Elle porte un voile, remarque son voisin de droite.
- Elle n'a pas de sourcils ! s'exclame un troisième.
Ces prisonniers sont venus inaugurer la Micro-Folie de la maison d'arrêt essonnienne, la 500e à être lancée depuis la création du projet en 2017.
Soutenu par le ministère de la Culture et coordonné par La Villette, ce dispositif propose l'accès gratuit, via des supports numériques, aux oeuvres de 12 établissements nationaux, dont le musée du Louvre, le centre Pompidou, l'Opéra national de Paris, le château de Versailles ou encore le Festival d'Avignon.
Destiné en priorité aux territoires les plus isolés (quartiers prioritaires, zones rurales), il s'exporte pour la première fois en milieu carcéral en pénétrant dans Fleury-Mérogis, le plus grand centre pénitentiaire d'Europe où résident plus de 4.300 prisonniers.
Sur les quatre tablettes disposées dans la petite pièce aux murs orange, les détenus voient défiler des peintures, des sculptures ainsi qu'un court extrait de l'opéra "Le Barbier de Séville" de Rossini. Chaque contenu est accompagné de textes explicatifs et, parfois, de mini-jeux.
Pour Jérémy (les prénoms ont été modifiés), cet outil est "facile d'accès" et "donne envie" d'en apprendre d'avantage sur l'histoire de l'art.
Le jeune homme confie que les deux seuls musées qu'il ait jamais visités avant son incarcération sont le Louvre et la Cité du Train à Mulhouse.
"J'ai toujours été intéressé par la peinture, mais je ne me sentais pas à ma place dans un musée", raconte pour sa part Kevin.
"Je n'ai pas eu l'occasion d'y aller quand j'étais à l'école mais là je vais m'inscrire sur la liste d'attente", poursuit le détenu, qui porte un intérêt particulier à l'art africain et aux tableaux de Monet.
Les ateliers de la Micro-Folie de Fleury-Mérogis seront animés par un coordinateur culturel du centre pénitentiaire, un professeur, un conférencier externe ou un bénévole de l'association "Lire, c'est vivre" qui promeut la lecture en détention.
Des modules thématiques, d'environ 1h30, seront proposés à de petits groupes de détenus -majeurs -incarcérés dans le bâtiment où le dispositif est installé.
"C'est un endroit sous cloche où les détenus peuvent partir de presque rien et construire quelque chose, individuellement ou collectivement", se réjouit Samia Sedjari, la proviseure des huit centres scolaires de la prison.
Pour les responsables de l'administration pénitentiaire et de l'Etat présents à l'inauguration, la Micro-Folie peut également servir de support pour la réinsertion et la prévention de la récidive.
"La culture est un vecteur de socialisation et d'intégration, qui permet de s'ouvrir au monde et de s'ouvrir aux autres", défend Edouard Foucaud, le directeur du service pénitentiaire d'insertion et de probation (Spip) de l'Essonne.
"Cet accès au beau doit se prolonger après leur libération", abonde Marc Guillaume, préfet de la région Ile-de-France.
La mise en place de la Micro-Folie à Fleury-Mérogis a représenté un enjeu en matière de sécurité informatique.
Pour contourner les brouilleurs téléphoniques et se prémunir contre les risques de cyberattaque, une société spécialisée a dû installer un logiciel capable de fonctionner sans internet.
Ce réseau est ouvert uniquement lors de l'installation de mises à jour du catalogue numérique.
"Ce n'est pas un gadget mais un outil d'insertion", insiste Edouard Foucaud.
Après Fleury-Mérogis, les Micro-Folies prévoient déjà d'investir d'autres établissements pénitentiaires franciliens.