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Publié le 21 novembre 2024
La neige est tombée sur Paris jeudi, où environ 500 familles dorment à la rue tous les jours, selon le collectif Jamais sans toit Ile-de-France.
Leurs conditions de vie "sont catastrophiques", souligne auprès de l'AFP Manon Luquet, membre de ce collectif. Elle évoque des enfants qui vont à l'école le matin sans avoir mangé et avec "des vêtements humides", à cause du froid.
"Souvent, mon fils est malade, on va à l'hôpital mais ils n'ont pas de solution", témoigne anonymement auprès de l'AFP une mère à la rue depuis son arrivée en France, il y a huit mois.
Awa, arrivée elle dans le pays en 2020, dort "dans le bus de nuit" ou "au parc" avec ses enfants de 5 et 13 ans. "C'est très compliqué", soupire-t-elle. "Ils travaillent bien à l'école mais parfois ils dorment en classe, ils sont très fatigués".
A Paris, le collectif Jamais sans toit a organisé plusieurs rassemblements pour réclamer l'ouverture d'un lycée pour héberger une centaine de familles. "On peut réquisitionner des bâtiments, des solutions il y en a, le problème c'est l'absence de volonté de l'Etat pour résoudre cette situation", estime Manon Luquet.
Le phénomène ne se limite pas à la capitale. Ces dernières années, la pénurie d'hébergement d'urgence a conduit des familles à s'installer temporairement dans des écoles ou gymnases dans plusieurs villes en France, comme Toulouse, Bordeaux ou Lyon, soutenus par des parents d'élèves, des enseignants et des associations.
Selon le collectif "Un toit, une école", il y a actuellement dans la métropole de Lyon 333 enfants sans abri, dont 35 ont moins de trois ans.
A Strasbourg, le personnel éducatif d'un collège est mobilisé depuis novembre pour réclamer que des logements de fonction inoccupés soient mis à disposition de huit de leurs élèves ainsi que leurs familles sans-abris. Dans l'attente d'un logement, certains ont été accueillis plusieurs nuits de suite dans le centre de documentation de l'établissement.
Au total, les associations de lutte contre la précarité estiment qu'entre 2.000 et 3.000 enfants vivent à la rue en France. Un chiffre basé sur les appels au 115, probablement sous évalué puisqu'il ne tient pas compte des familles qui n'appellent pas ce numéro national dédié à l'hébergement d'urgence ou vivent dans des bidonvilles.
Fragilité émotionnelle, décrochage scolaire, isolement social: la Fondation Abbé Pierre dénonce les "conséquences dévastatrices" de l'absence de logement pérenne pour les enfants. "Nous sommes face à une urgence sociale", a commenté Christophe Robert, délégué général de la Fondation. "L'alerte est donnée, les réponses doivent suivre et sans attendre".
Le problème de fond est le même partout dans le pays: la crise du logement et, encore plus du logement social, font que les personnes entrées dans l'hébergement d'urgence n'en sortent pas. Ce service reste saturé.
L'Etat ne remplit pas "correctement" sa mission en matière de politique d'hébergement des personnes sans-abri, a estimé ainsi en octobre la Cour des comptes dans un rapport.
Interrogée sur le sujet mercredi lors des questions au gouvernement à l'Assemblée nationale, la ministre du Logement Valérie Létard a assuré que ses services étaient en "vigilance permanente" au sujet des enfants à la rue, "à l'heure où les températures chutent": "j'ai demandé aux préfets d'amplifier les maraudes et de mettre en place sur chaque territoire une cellule de résolution des situations". Elle prévoit également la création d'une cellule nationale pour "assurer un suivi global".
Selon le gouvernement, le nombre de places en hébergement d'urgence est passé de 198.000 au 1er janvier 2023 à 203.000 aujourd'hui, contre 93.000 il y a dix ans.
Ces 203.000 places seront maintenues en 2025, selon les prévisions budgétaires.